Le 14 novembre dernier, nous avons fait étape à St Florent le Vieil. Il y a 9 ans, nous nous y étions arrêtés pour la première fois avec émotion. L'Hostellerie de la Gabelle, célèbre pour son sandre au beurre blanc où Julien Gracq avait une table avec vue sur la Loire pour y méditer, nous a offert le même sentiment de bien-être, la même douceur du fleuve sous nos yeux, les papilles en émoi.
Aujourd’hui encore, on retrouve là-bas bien présent dans notre âme de lecteur, cet espace, ce lieu légendaire où se mêlent à la fois l’image de Julien Gracq et celui qui, plus de deux siècles auparavant, est mort après s’être battu avec courage contre la terreur à Nantes, le 14 juillet 1793, Jacques Cathelineau surnommé le saint d’Anjou. Deux êtres totalement différents mais portés l’un par sa littérature et l’autre par sa cause.
Et pourtant, on peut leur trouver à tous les deux une sensibilité aux lieux, chacun à leur manière.
Qu’en est-il de nous, simples visiteurs, qui passons, l’espace de quelques heures dans ce lieu reculé du bord de Loire?
Il y a l’église, d’abord, du haut de son promontoire, qui surplombe le petit village, ses jardins en terrasse et les maisons en chapelet, l’île batailleuse, le pont qui relie les deux rives et la maison de Julien Gracq, évidemment.
Devenue une résidence d’écriture, cette maison du début du XXe siècle conserve le calme intime et littéraire pour ceux qui viennent : "Tout livre pousse sur d’autres livres", comme disait Gracq, inspirant ainsi les auteurs qui s’y installent quelques jours. C’est un refuge, un lieu chargé de l’âme de celui qui fut l’un des écrivains les plus sensibles à la véritable littérature, pas celle en tout cas qu’il dénommait la "littérature à l’estomac", celle-là même, bien au contraire, qui nourrit l’esprit.
Sa littérature, certes, parfois précieuse, laisse un gout généreux et délicieux de la géographie de notre beau pays. Il se sert de cette approche trop souvent oubliée pour décrire et rendre féérique, une promenade dans la forêt, une vieille maison silencieuse à la lisière d’un sous-bois, une femme à sa fenêtre.
À lire ou à relire sans modération. 