La nuit au coeur de Nathacha Appanah
Comment dire l'horreur du féminicide sans tomber dans le voyeurisme ou le journalisme?
Il faut lire le récit de Nathacha Appanah pour se rendre compte que son livre n'est ni une enquête à proprement parlé, ni un travail journalistique. Non, c'est bien plus que cela.
L'auteur tisse, au fil des pages, un véritable récit dense et bouleversant, la "nuit au coeur" au creux de laquelle se joue une vie: un coeur qui bat, qui se débat pour survivre, traqué par son bourreau. C'est le temps suspendu, l'heure qui passe sans effacer l'horreur et la douleur. Le temps se dilate sous l'effet de la peur, où passé et présent s'entrelacent, terriblement confus et indisssociables. Ni l'oeil ni le corps ne peut concevoir l'impensable.
Nathacha Appanah mérite d'autant plus d'être saluée qu'elle fut elle même victime d'un prédateur. Elle a pu malgré tout reconstituer chaque heure, chaque instant dans l'intimité de ces deux femmes. Elle le fait avec des mots chargés de maux en s'approchant au plus près de leur cri. Un cri long et sourd qui résonne et qui monte des entrailles.
C'est avec une écriture belle, discrète et empathique, parfois d'une violence rare, qu'elle parvient à imposer au lecteur ce sentiment d'impuissance et d'horreur, sans bruit, sans excès. Dire l'indicible avec intensité c'est affronter le bourreau dans sa forme la plus terrifiante.
Trois hommes, trois femmes et un seul dénominateur commun: l'acharnement, la peur, la souffrance et la mort.
Vivre ou mourir.
De ces trois femmes, une a survécu. Les deux autres ont été assassinées, sauvagement.
La nuit au coeur fait partie de la liste du Prix Goncourt 2025.